Paris 1931-Paris 2011, Il est des hauts lieux de pierre, des bâtiments où planent comme une certitude,
gravée quelque part, dans la matière même de leurs murs, car en eux, ils gardent les traces de l’Histoire.
Les Argonautes du temps présent cherchent une embarcation, non pas l’Argos des temps mythiques ou une goélette, un vaisseau,
une barque, un paquebot, ni même une pirogue bravant l'Océan Pacifique, une noix de coco à la dérive suffirait pour accomplir cette
odyssée… Cette traversée est hors du passé, du présent et du futur. Elle ne mène vers aucun lieu connu en ce monde. Partir et revenir
du lieu archaïque, telle est leur destinée. Être libéré du poids de l'histoire, de Là, où séjournent les âmes des disparus et des vivants,
des indignes et des justes, des irrévérencieux et des fervents, du royaume des ancêtres…
Comment retrouver des traces du passé, sinon à travers l’Ancien, l’esprit de l’Ancêtre ?
Auréolé de l’image du sacré parce qu’il a survécu au Temps, matérialisé sous la forme de reliques et de rituels
l’esprit de l’Ancêtre rejoint paradoxalement, celui du temps des premiers âge, de l’enfance et celui d’un âge
d'or supposé où la conscience semblait plus libre de s’offrir à la puissance de l'imaginaire.
Lorsque l’Histoire vient arracher les liens et les vies, qu’aucun rituel n’est accompli par les vivants pour
honorer les morts, qu’advient-il de leur mémoire et de sa transmission?
Evoluant dans des lieux chargés de mémoire et de lien commun, le musée de l’Homme redevient la place
où Sylvette Kaloïe, sur le parvis symbole des Droits de l’homme marche dans les traces de son père Marius,
de Lifou, on est au temps de l’Exposition coloniale à Paris, en1931... ou alors en 1940 lorsque Renée Lévy,
la grande tante de l’auteure, résistante au Réseau du musée de l’Homme distribuait des tracs, sur cette même
esplanade; telle Antigone, elle interroge le garde... cela se passe dans une charcuterie désafectée, à
Romainville près de là où durant l'occupation, le Fort servit de camp : 3900 femmes, 3100 hommes y furent
internés avant d’être déportés. Le lieu est la croisée géographique des destins... Dans la grotte à Vincennes
près du MAO, les pas du “gardien de l’oubli” rythment la parole d’un homme kanak, son ressouvenir est
celui d’aujourd’hui, du temps présent de la vie. Le Passeur dépose une dépouille, la vie et la mort se
côtoient... On se reinvente alors au temps ancien : celui des origines et de la renaissance, parce que le temps
présent ne peut se suffir à lui-même.
Parler d’Ancêtre résonne comme une parole d’Homme.
Dans les Argonautes, c’est une valeur universelle et singulière : car tout le monde et chacun est relié à un
ancêtre. Les Argonautes du temps présent affirme ainsi au travers le destin de femmes, leur ancêtre, leur
histoire, leur lien, l’expression de la part de leur existence en ce monde.
Annie Rosès, Romainville 2011.
Paris 1931 – Paris 2011, there are stones and monuments where a trace of history is present, carved somewhere, conserved in their very walls.
The Argonauts of today seek an embarkation, not the Argos of mythology, not a schooner nor a vessel,
not a boat nor a steamship, not even a dugout canoe braving the Pacific Ocean; a floating coconut shell
would suffice to accomplish their odyssée…. This voyage is beyond the past, present or future. It goes to no known place in this world. To come and go from this archaic place, such is their destiny. To be freed from the weight of history, from the place where dwell the souls of the living and the departed, the just and the unworthy, the fervent and the irreverent, in the kingdom of our ancestors.
How can we find trace of the past, if not through the Elder, the spirit of the ancestor?
Crowned with a sacred image because he has survived time, materialised in the form of relics and rituals, the spirit of the Ancestor paradoxically joins the first years of infancy and that of a supposed golden age where the conscience seems more able to submit to the power of the imaginary.
When History breaks bonds and lives, when there is no ritual observed by the living to honour the dead, what becomes of their memory and its transmission?
The Museum of Mankind stands in a place steeped in memory and common bonds, and has become once more the place where Sylvette Kaloïe can walk on the esplanade, the symbol of the Rights of Man, in the steps of her father Marius, from Lifou: taking us back to the Universal Exhibition of 1931……Or where in 1942, Renée Lévy, the great aunt of the author, member of the Museum of Mankind resistance group, was distributing pamphlets on the esplanade; like Antigone, she challenges the guard …. All this takes place in a former delicatessen in Romainville, next to the Fort which was used as a prison camp during the German occupation: 3900 women and 3100 men were interned there before being deported. The place is the geographic crossroads of their destiny …. In the grotto at Vincennes near the Museum of the Arts of Oceania, the footsteps of the “guard of the forgotten” keep time with the words of a kanak, life and death side by side…. Thus we revert to the past: that of the origins and the rebirth, since the present cannot be enough.
To speak of the Ancestor resounds like the word of Man.
With the Argonauts, it is a particular, universal value, since each and every one of us is linked to an ancestor. Through the destiny of the women, their ancestors, their history and their bond, The Argonauts of the present thus assert the expression of their role in history.
- Année
- 2011
- Nationalité
- France
- Durée
- 00:23:00
- Format de projection
- Fichier Quicktime