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Lucy en miroir— un film de Raphaël Bassan /



Un film de Raphaël Bassan (2004), 16 mm, 45 minutes, avec Anne-Sophie Brabant, Élodie Imbeau. Produit par Les Films Singuliers, Michel Poirier.


Un cinéaste énonce, oralement durant le générique de ce moyen métrage, son programme : faire un film essai sur la nature et l'ambiguïté des sentiments liées à un projet artistique, à la fois sujet et objet du film. Plusieurs voix-off (celle du cinéaste narrateur et de ses interprètes) élaborent une fiction à tiroirs qui relève à la fois du domaine existentiel et artistique. Deux femmes se souviennent d'un amant commun qui a perdu contact avec la réalité pour poursuivre une quête artistique. La confrontation orale avec l'homme tourne autour d'exégèses polymorphes du « Mépris» de Godard. Interprétations diverses qui abordent, à chaque séquence, un aspect différent de ce classique du cinéma. Ce nouveau commentaire en œuvre dans la genèse du film n'est qu'une piste parmi d'autres. Le tronc central de «Lucy en miroir» est, aussi, commenté par diverses propositions visuelles (réalistes ou abstraites) et sonores (la musique est omniprésente et crée elle-même un subtexte qui multiplie la dimension essayiste du projet) avant que le cinéaste fasse, à la fin, retour sur ses intentions : donner quelques clefs à son film.

= > « Il est révélateur qu’un résumé fragmentaire et subjectif de “Dracula”, via le “Nosferatu”, de Werner Herzog, serve à la fois de pivot, de clé et de contrepoint à “Lucy en miroir”. Il n’est pas indifférent, non plus, que les personnages de Raphaël Bassan portent les mêmes prénoms, Lucy et Jonathan, que les amoureux traqués par Dracula dans le roman de Bram Stoker. Film sur la mémoire, film de vampires. La mémoire tient ici l’emploi de victime : c’est elle que vampirisent le temps et l’oubli, prédateurs redoutables. La vie s’en va avec les souvenirs dont elle-même se nourrissait, et “Lucy en miroir”, peut, ce me semble, être vu comme une métaphore sur l’inexorable agonie de la cinéphilie ou, disons, d’une certaine forme de cinéphilie. Commencé à la Cinémathèque, lieu de mémoire s’il en est, le film s’y achève en toute logique. L’essence et les sens du cinéma sont invoqués, interrogés, bousculés, rejetés, regrettés, magnifiés.
Pourquoi Jonathan Harker apparaîtrait-il dans le journal que deux jeunes femmes, en se souvenant de lui, tiennent à sa place ? Une chanson des Beatles, “Lucy in the Sky with Diamonds”, renvoie dès les premiers instants à ce fugace “air du temps”, que “Le Départ d’Eurydice”, premier court métrage de Bassan, voulait coûte que coûte capter et capturer en 1969. N’en restent que des bribes. Des sons, des images, des stridences, des sensations qui s’estompent, s’effilochent, se dissolvent. Les références égrenées en voix off par le cinéaste sont autant d’éclairs de la mémoire, de sa mémoire : Gustave Moreau et Francis Bacon, “La Jetée” et “Le Mépris”, André Breton et Alain Resnais, mais aussi “Le Cauchemar de Dracula” voilé, intentionnellement ou non, d’un glacis de mélancolie qu’on croirait dérobé à “Cléo de cinq à sept”. Un panoramique sur un arbre, de bas en haut, vers le ciel. Un travelling avant et semi-circulaire, en intérieur, vers le réalisateur (qui, au passage, jette à l’objectif un regard d’autant plus signifiant qu’il est fugitif et, apparemment, imprévu). Un nouveau travelling, en extérieur, vers le banc où tout se passe, où tout s’efface, et où Bassan déchire son script, le rature, le récrit. L’essentiel est peut-être dit dans cet enchaînement de trois mouvements de caméra. Amateurs de narration classique, passez votre chemin. “Lucy en miroir” nous parle d’attirance et de vertige, de spleen et de peur, de bonheur et de solitude. Ce n’est ni un exercice de style, ni un essai théorique, ni un poème visuel. C’est, tout simplement, un film nécessaire. »


(Jean-Pierre Bouyxou, « Zeuxis» n° 18, mai 2005).


A film maker states his project during the credits of this medium length film : make a film essay on the nature and ambiguity of feelings linked to an artistic project which is both the subject and object of the film. Several off screen voices — that of the film maker/narrator and of his actors — elaborate an episodic fiction that is founded on the existential as well as the artistic domain. Two women recall a shared lover who lost contact with reality in order to pursue an artistic quest. The oral confrontation with the man centers on the polymorphic exigesis of Godard’s Le Mépris. Diverse interpretations that treat, in each sequence, a different aspect of this classic film. This new commentary at work in the genesis of the film is just one possibility among others. The central trunk of Lucy en miroir is also commented by diverse visual proposals (real or abstract) and sound (the music is omnipresent and creates itself a subtext that multiplies the experimental dimension of the film) before the filmmaker returns, at the end, to his intention : give open keys to his film.

Année
2004
Nationalité
France
Durée
00:45:00
Format de projection
Fichier Quicktime
Tarif de location pour une projection : 100 €

Lucy en miroir

Raphaël Bassan
Fichier Quicktime · 00:45:00
France — 2004


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