Patrice Enard
Patrice Énard est un réalisateur français né le 17 septembre 1945 à Bordeaux et mort le 1er juin 2008 à Paris. Il était également documentaliste-iconographe, théoricien et critique de cinéma.
Patrice Énard fréquente intensément la Cinémathèque Langlois dont il sort particulièrement admiratif des auteurs russes - spécialement de Dziga Vertov -, de l’école des Lumière et de la Nouvelle Vague. C’est là qu’il se forge la conception d’un cinéma actif et subversif, profondément politique. Après un passage par le CLCF, il réalise des films d’entreprise et des reportages sur le moto-cross. Il effectue son service militaire au Cinéma des Armées à Baden-Baden.
Il signe ses premiers courts métrages au milieu des années 1960. D’entrée de jeu, son style provocateur, dépouillé de toute psychologie, manifeste son appartenance à la génération qui sera aussi Mai 68. Investis d’une dialectique de la désobéissance, ses films n’auront de cesse de questionner leur immersion dans le contexte idéologique de leur époque pour mieux en sortir. C’est comme si le code génétique de l’Art du mouvement programmait à l’écran l’idée d’une révolution permanente.
L’œuvre du cinéaste est largement diffusée dans les circuits parallèles ainsi que dans les salles d’exploitation traditionnelle plus ouvertes, pendant ces années-là, à la nouveauté. De nombreux festivals, ayant fleuri un peu partout en Europe et en Amérique du Nord, l’accueillent également. En 1972, Patrice Énard fut Lauréat de la Ville de Belfort ; Joris Ivens lui remettra le Grand Prix du Festival international jeune cinéma de Hyères en 1982.
À la manière des pionniers, Patrice Énard accompagne le plus souvent sa dernière réalisation pour en débattre avec le public. Il incite les spectateurs à compter sur leurs propres forces et à prendre le pouvoir par les caméras. Il aime à répéter : « Il n’y a pas plus de cinéastes que de films, c’est pour cela qu’il y a du cinéma » (« Pourquoi filmez-vous ? », Libération, hors-série, 1987).
Son nom est parfois associé à des collectifs comme Ciné-Golem (avec Philipe Bordier), qui programme un cinéma radicalement autre dans les premières années de Sigma à Bordeaux, ou Cinéma Différent (avec Marcel Mazé) et la Coopérative des cinéastes indépendants (avec Patrice Kirchhofer), à Paris. Cependant, son parcours de cinéaste avance contre toutes les chapelles. Il refuse le système et les étiquettes des courants ou des mouvements artistiques qu’il côtoie : contre-culture, jeune cinéma, avant-garde, expérimental… Il arrive en effet qu’il soit tout cela à la fois ou tour à tour mais, épris de liberté dans ses centres d’intérêt, il préfère l’autonomie et il continue de produire lui-même ses films.
Son expression cinématographique évoluera vers un cinéma d’analyse et de recherche fondamentale. Porté par une réflexion de plus en plus personnelle, il met au point son propre langage et le parfait selon le prisme d’une esthétique radicale et atypique. Ses trouvailles, son inventivité seront souvent une source d’inspiration formelle pour les publicités et les clips en mal d’idées. À propos de ses derniers films, on pourrait parler d’un cinéma de poésie. Il place la barre de plus en plus haut.
Son désir profond a toujours été d’exciter la curiosité, d’inviter à la connaissance par le biais de la grande image. Mais, au fil des années, son champ d’action dépassera celui de l’écran : il s’est notamment employé à créer un réseau de librairies du cinéma (Paris, Lyon, Bordeaux, Montpellier…). Pour mémoire, on citera la mythique librairie Cinédoc, dans le 9e arrondissement de Paris, qu’il avait remplie à ras-bord d’affiches, de photographies, de revues et de livres pour le jour de son ouverture, à la grande joie des cinéphiles et de ses deux associés barbus.
D’abord documentaliste-iconographe et consultant spécialisé pour Ciné Choc, Fascination, Polar, Cinématographe, Star System, à partir de mars 1975, il est journaliste et rédacteur en chef de magazines de cinéma dont Sex Stars System, Star System, Ciné Eros Star, Ciné Girl, Star Ciné Vidéo, Ciné-Films, Erostory Film… Son travail de journaliste témoigne aussi de sa prédilection pour les manifestations cinématographiques les plus extrêmes des années 1970-80. Il saluera, par exemple, la montée de l’érotisme, la naissance de la pornographie et du gore. Il portera ces genres vers la lumière, au fil de revues telles Sex Stars System ou Ciné Eros Stars. Les interviewes de Jacques Rig, l’un de ses pseudonymes, sont célèbres. L’appareil critique de son approche conduira ces supports populaires, malmenés par la censure, à devenir cultes.
L’Association Patrice Énard, créée à Paris en 2008, a restauré l’ensemble de son œuvre.
Patrice Énard was a French filmmaker, born on September 17, 1945 in Bordeaux, and deceased on June 1, 2008 in Paris. He was also a researcher/iconographer, theorist and film critic.
An avid patron of Henri Langlois’ Cinémathèque Française, Énard developed a particular appreciation for Russian cinema — especially the work of Dziga Vertov — the Lumière school and the French New Wave. Those influences led him to conceive of an activist, subversive and deeply political form of cinema. Following studies at the Conservatoire Libre du Cinéma Français, he directed some industrial films and news reports on motocross. He completed his military service with the Cinéma des Armées in Baden-Baden.
Énard made his first short films in the mid-1960s. From the outset, his provocative style, stripped of all psychology, attests to the fact that he was part of the generation that launched the French protests of May ‘68. Invested in the dialectic of disobedience, his films constantly question their immersion in the ideological context of the time, in order to better escape it. It was as if the genetic codes of that artistic movement were programming the concept of a permanent on-screen revolution.
The filmmaker’s work was widely distributed within those circles, as well as in traditional movie theaters that were more open to innovation at the time. The numerous film festivals that had sprung up across Europe and North America also welcomed his films. In 1972, Patrice Énard was honored by the city of Belfort, and Joris Ivens presented him with the Grand Prize at the Hyères International Festival of Young Cinema in 1982.
Like all pioneers, Énard often traveled with his films to discuss them with audiences. He encouraged viewers to rely on their own strength and to take power by way of the movie camera. He liked to say, "There are no more filmmakers than films. That's why the cinema exists." ("Why Do You Make Films?" Liberation, special edition, 1987).
His name is sometimes associated with collectives like Ciné-Golem (with Philipe Bordier), which programmed a radically different form of cinema in the early years of the Sigma Festival in Bordeaux; Cinéma Différent (with Marcel Mazé); and the Independent Filmmakers Cooperative in Paris (with Patrice Kirchhofer). Yet, his career as a filmmaker advanced in opposition to all of those cliques. He rejected the systems and labels of all the trends and artistic movements he rubbed shoulders with — the counterculture, young filmmakers, avant-garde, experimental, etc. In fact, he was all of those things — simultaneously or in turn — but as someone who treasured freedom above all things, he preferred autonomy and continued to produce his films himself.
Énard’s cinematic expression evolved toward a fundamentally analytical and experimental form of cinema. Driven by his increasingly personal reflections, he developed his own language and perfected it through the prism of an atypical, radical esthetic. His discoveries and inventiveness were often a source of formal inspiration for commercials and music videos. His later films could be described as a form of cinema-poetry. He raised the bar higher and higher.
His deepest desire was always to incite curiosity, to elicit knowledge by way of the big picture. But as time went by, his field of action extended beyond the silver screen, devoting himself to the creation of a network of cinema bookstores (in Paris, Lyon, Bordeaux, Montpellier). One notable example is the legendary bookstore Cinédoc, in Paris’ 9th arrondissement, which Énard crammed full of movie posters, photographs, magazines and books for its opening, to the great delight of cinephiles everywhere and his two bearded partners.
Beginning as a researcher/iconographer and special film consultant for Ciné Choc, Fascination, Polar, Cinématographe and Star System, from March 1975 on, Énard served as journalist and editor on several film magazines, including Sex Stars System, Star System, Ciné Eros Star, Ciné Girl, Star Ciné Vidéo, Ciné-Films, Erostory Film. His work as a journalist also testifies to his predilection for the most extreme cinematic forms, from 1970 to ‘80. For example, he applauded the rise of eroticism and the birth of pornography and gore. He shed light on those genres in magazines such as Sex Stars System and Ciné Eros Stars. Interviews by Jacques Rig, one of his pseudonyms, became famous. His critical approach would lead those popular rags, pummeled by censorship, to become cult favorites.
The Patrice Énard Association, founded in Paris in 2008, has restored his entire body of work.
Année de naissance : 1945
Nationalité : France